Hommage à Jean de Vita
Il y a un an Jean, Jean de VITA, nous quittait. Il est de tradition de marquer le premier anniversaire de la mort d’une personne pour, selon l’expression populaire, permettre à chacun de « faire son deuil ». Beaucoup de choses peuvent se cacher derrière cette expression « fourre-tout » et trop souvent galvaudée. Préférons l’expression « vivre son deuil », c’est-à-dire apprendre à vivre sans la personne aimée. La messe que nous venons de vivre et l’hommage que nous rendons ce soir à Jean de VITA, ne se veulent pas des cérémonies pour « tourner la page », mais au contraire pour enraciner Jean dans son école, et manifester notre attachement à sa personne et tout ce qu’il a apporté aux centaines de jeunes qui lui ont été confiés.
Que dire sur Jean de VITA aujourd’hui ? Que dire de plus que ce qui a déjà été dit ? Que dire après mon discours pour son départ à la retraite, après ceux de ses obsèques, après enfin celui prononcé, lors du pèlerinage à Sorèze, aux élèves de 2nde dont la promotion porte son nom ? Il reste de lui tant de choses déjà dites…
Jean disait souvent qu’il aimerait être enterré dans la chapelle de l’école ; ainsi les personnes, particulièrement les élèves, passeraient sur sa tombe régulièrement. Au-delà de la boutade, cela cachait-il une volonté d’humilité ? Ou peut-être la peur de l’oubli ?
Nous ne pouvons pas connaître véritablement ce que pensent et ressentent les personnes, même les plus proches. Il y a toujours une part d’intimité profonde qui nous échappe. Jean aimait les honneurs et les titres ! Palmes académiques, légion d’honneur, « directeur émérite du collège Lacordaire » … autant de décorations et de titres, autant de fiertés. Mais ces honneurs, il souhaitait aussi en faire profiter son entourage ; j’en suis le témoin… Cependant, quand il obtenait une décoration pour telle ou telle personne, bien évidement c’était pour honorer celle-ci, mais aussi pour louer haut et fort, à travers elle, les qualités de l’École Lacordaire ! Avec la maladie qui progressait et, après sa dernière chute, son avancée inexorable vers la mort, l’humilité de l’Homme et du chrétien a pris le dessus. Là encore, tout au long de nos échanges en clinique ou à l’hôpital, jusqu’aux derniers instants, j’en suis témoin …
Peur de l’oubli ? Comment serait-ce possible ? Comment effacer 55 ans de vie professionnelle et d’engagement à Lacordaire ? Comment oublier ce que je rappelais il y a un an, « ce modèle d’éducateur que tu étais ; cette mission d’éducateur qui a toujours été la tienne, alliant rigueur, écoute et attention pour les collégiens, ayant la conviction que la vie d’un jeune ne se décidait pas avec un couperet brutal en 3ème et qu’il fallait trouver des solutions pour tracer un chemin adapté à chacun » ? Comment perdre la mémoire de la sienne qui connaissait chaque élève, chaque parent d’élève, chaque personne travaillant à l’école ; qui les connaissait avec précision, souvent dans ce qui faisait leur particularité, dans leur intimité familiale ou professionnelle ? Comment ne plus se souvenir de sa rigueur et de son honnêteté ? Comment ne plus avoir en tête son attachement indéfectible à cette école et aux Dominicains qui ont été ses compagnons de route durant tant d’années ?!
L’amour et l’amitié ne se dissolvent pas dans l’oubli. Chaque vivant (avant de mourir) attend de ceux qui le suivent, au moins secrètement dans le fond de son cœur, d’au moins conserver un peu le souvenir de lui. « Si vous êtes totalement oublié, si vous passez de vie à trépas et que plus personne ne se souvient de vous, c’est comme si vous n’aviez pas existé. Le fait de penser à eux permet de les garder près de nous, ce qui est important, mais aussi de les créditer d’une vie qui a compté ».
Il y a plusieurs manières de ne pas oublier un être cher qui nous a quitté : en faisant célébrer une messe, prier pour lui, en allant fleurir régulièrement une tombe, en affichant une photo bien en vue, en parlant souvent de lui et en racontant des anecdotes le concernant, etc… Chacun fait comme il le ressent.
Nous, à Lacordaire, nous avons souhaité lui rendre hommage et inscrire son nom dans la durée.
Aux élèves de 2nde, je rappelais quelques caractéristiques de Jean De VITA, caractéristiques qui pourront leur servir de modèle à suivre durant leur scolarité et dans leur vie future :
- Son attachement à l’Ecole Lacordaire et la vraie connaissance des autres, des élèves en particulier
- Son engagement et son sens du service
- Sa Foi
C’est une manière de le préserver de l’oubli, comme de lui rendre hommage ce soir.
- Lui rendre hommage en la présence de toute cette promotion, c’est dire à ces élèves qu’ils pourront s’inspirer de ce que fut cette personne qui n’est pas qu’un nom du passé.
- Rendre hommage à Jean de VITA aujourd’hui, un an après sa disparition, non pas pour « tourner la page », mais au contraire, pour continuer le chemin qu’il a tracé, avec d’autres, pour l’honorer et le citer comme un exemple d’éducateur pour les générations actuelles et futures d’enseignants, de surveillants, de responsables.
- Lui rendre hommage, non pas pour rester figés sur le passé, ce qu’il n’aurait pas aimé, mais au contraire faire en sorte qu’il continue à montrer un chemin d’éducation et d’engagement.
- Lui rendre hommage, pour réaffirmer notre affection et notre reconnaissance à jamais.
C’est la raison pour laquelle, le major 2023-2024, Maximilien HUA, a souhaité que la promotion des 2ndes soit la promotion « Jean de VITA ».
C’est la raison pour laquelle son portrait, peint au Portugal à l’initiative de Mme Josette PERRIOT (ancienne orthophoniste et proche de Jean), sera accroché dans le collège.
C’est la raison pour laquelle, le bureau de l’OGEC (organisme de gestion), a proposé de donner son nom au bâtiment construit à l’emplacement de ce qui était son bureau ; ce bâtiment central du collège. Son bureau qui a été détruit juste qu’il soit tombé une dernière fois et, sans le savoir, de quitter définitivement l’école…. Ce nouveau collège, et ce nouveau bâtiment, qu’il n’aura vu qu’en photos, espérant le voir un jour… En vain.
Jean, désormais, dans ce collège, il restera de toi, un nom, mis en évidence au plus haut du bâtiment. Mais nous le savons bien, il restera de toi beaucoup plus que cela !
Pierre-Jean COLLOMB
Lundi 6 novembre 2023